Du livre d’Isaïe : « Comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, mon serviteur n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Il a été retranché de la terre des vivants »
Frères et sœurs, une tradition juive prétend que, pour permettre à sa création d’exister, Dieu s’est retiré de lui-même. Ce soir, en méditant sur la Passion et la mort de Jésus, en pensant au Samedi-saint qui s’ouvre devant nous, comprenons que notre Seigneur réalise le même geste de retrait, avec la même intention, celle d’ouvrir un nouvel espace de vie où notre monde est recréé.
De la lettre aux Hébreux : « Pendant les jours de sa vie mortelle, Jésus a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé »
Chacun en fait au moins une fois dans sa vie, et souvent plus, l’expérience : le retrait d’un combat, d’une situation difficile, d’une relation, s’il est parfois le signe extérieur d’une défaite, n’en est pas moins toujours l’occasion d’un possible renouveau, surtout s’il se fait dans la soumission à Dieu.
« Signe éventuel de défaite », car si ce retrait est voulu, assumé, il est bien plutôt le signe d’une force à nulle autre pareille : comment ne pas penser à saint Paul écrivant « c’est quand je suis faible que je suis fort ? » Voilà ce qui va se manifester tout au long de ce Samedi-saint dont on parle si peu : Jésus repose dans les entrailles de la terre, et là, dans le silence et l’obscurité du tombeau, dans la distance qui se crée avec notre monde visible, se prépare un nouvel enfantement. Au matin de Pâques, comme un fruit de ce retrait, va naître un monde nouveau.
De l’évangile selon saint Jean : « Près du lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore mis personne (…) C’est là qu’ils déposèrent Jésus. »
Frères et sœurs, il en ira pour chacun de nous comme pour Jésus si nous l’accompagnons jusque sur la croix. Ce n’est pas de le suivre là qui nous fera rester dans le tombeau, mais de maintenir tous ces liens auxquels nous tenons et qui nous enferment : apprenons de Jésus ce soir à perdre ce qui nous est le plus cher, jusqu’à nos vies mêmes, apprenons à nous retirer de nous-mêmes, de nos ambitions, de nos calculs, ouvrons un nouvel espace à la vie. Afin que naisse en nous et autour de nous une autre vie, celle que Jésus fera lever pour tous au jour de sa résurrection.