L’unanimité du 11 janvier 2015

Avec un peu de recul, il faut revenir sur cette unanimité vécue ou requise suite à la tuerie abjecte du 11 janvier dernier à Paris, qui a visé Charlie-Hebdo. Plusieurs millions de personnes à Paris, des centaines de milliers en province pour dire « plus jamais ça », traduit dans un « Je suis Charlie », c’était beau et peut-être nécessaire : rien ne peut justifier la violence, rien ne peut justifier a fortiori une violence froide et longuement préparée. Et l’insurrection est de mise. Mais elle peut prendre plusieurs formes et, pour ma part, je n’ai pas jugé bon de me joindre à la manifestation qui s’est déroulée dans ma ville, ce qui explique mon « peut-être »… que deux dessins vont introduire :

liberte_expression ethiopiens

 

 

 

Plusieurs raisons donc à mes réticences :

1. Un recul instinctif devant tous les mouvements de foule, quels qu’ils soient et où qu’ils soient.

2. Un recul non moins marqué devant toutes les réactions émotionnelles : non pas que je ne les partage pas, mais parce que je me suis toujours méfié des jugements dictés par l’émotion, très mauvaise conseillère.

3. Une profonde interrogation sur les véritables motivations des organisateurs de ces manifestations, et au premier chef de nos dirigeants politiques : ils sont tellement habitués à « surfer sur les vagues » et à essayer d’en tirer un profit personnel ! Cette interrogation n’a fait que se renforcer au fil du temps lorsque de nouvelles exactions ont touché des chrétiens (ceux de Syrie, les coptes d’Egypte, les éthiopiens etc. : cf. la deuxième photo ci-dessus), et que l’on n’a plus entendu que des condamnations du bout des lèvres, n’hésitant pas à mettre sous le boisseau la confession religieuse des victimes alors que celle-ci était cause de leur mort. Et bien sûr, plus aucune manifestation. Y aurait-il de mauvaises et de bonnes et victimes ? Les chrétiennes et les autres ? Les étrangères et les françaises ?

4. Il est bien sûr impossible, et d’ailleurs non souhaitable, dans une manifestation de masse de trier les manifestants comme on n’hésite pas à le faire des victimes. Et bien sûr, les ambiguïtés ne justifient pas l’abstention, mais les défilés officiels dans lesquels s’affichent des dictateurs de toute sorte venus se refaire une virginité transformaient ces défilés en farces : et c’était prévisible.

5. Mais enfin et surtout, c’est l’Islam qui était mis en cause, qu’on le veuille ou non, qu’on mette ou non des guillemets, et c’est à ceux qui se revendiquent de cette religion de manifester au premier chef leur désapprobation, et de prendre les moyens de changer le cours des choses : tous les témoignages le confirment, sans être totalement absents, ils étaient peu nombreux dans ces manifestations. Ce qui montre qu’un travail de fond est à entreprendre auprès de nos frères et amis musulmans, qui aidera ceux qui voient clair et qui sont encore minoritaires à se faire entendre. Beaucoup mieux qu’une manifestation, mais moins visiblement, et sur une durée beaucoup plus longue.

Tout cela étant dit, les manifestants ont manifesté, et c’est bien. Mais avec un peu de recul, je suis plutôt conforté dans la conviction que l’émotion ne peut pas être le juste ressort de nos jugements et réactions : son seul avantage est de créer une forme d’unanimité, mais elle ne peut être que ponctuelle et finalement factice. Les meilleures réactions sont celles qui se font bien en aval de l’événement et dans la durée.

La paix, ça prend du temps !

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