L’indifférence coupable

IndifférenceIndifférence ? Non pas. Mais « tout cela est loin », il y a plus urgent, et puis, vraiment, que peut-on faire ? On aura reconnu dans ces propos les thèmes classiques qui justifient notre indifférence aux migrants d’aujourd’hui, comme aux marginaux d’hier. Indifférence dénoncée par le pape François lors d’une visite aux migrants de Lampedusa, dans une homélie dont il faut citer, tant elle est belle et juste, un large extrait :

« Dans la littérature espagnole, il y a une comédie de Lope de Vega qui raconte comment les habitants de la ville de Fuente Ovejuna tuèrent le Gouverneur parce que c’est un tyran, et le font de façon à ce qu’on ne sache pas qui l’a exécuté. Et quand le juge du roi demande : « Qui a tué le Gouverneur ? », tous répondent : « Fuente Ovejuna, Monsieur ». Tous et personne ! Aujourd’hui aussi cette question émerge avec force : qui est le responsable du sang de ces frères et sœurs ? Personne ! Tous nous répondons ainsi : ce n’est pas moi, moi je ne suis pas d’ici, ce sont d’autres, certainement pas moi. Mais Dieu demande à chacun de nous : « Où est le sang de ton frère qui crie vers moi ? ». Aujourd’hui personne dans le monde ne se sent responsable de cela ; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle ; nous sommes tombés dans l’attitude hypocrite du prêtre et du serviteur de l’autel, dont parlait Jésus dans la parabole du Bon Samaritain : nous regardons le frère à demi mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous « le pauvre », et continuons notre route, ce n’est pas notre affaire ; et avec cela nous nous mettons l’âme en paix, nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien ; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence ».

Dans cette homélie, le pape se met en cause, et, en le lisant, je me mets en cause parce que je suis de ceux qui veulent bien reconnaître une part de responsabilité, mais sans trouver comment l’assumer : du coup, oui, je continue ma route. Et pourtant, quelque chose peut être fait, à la portée de tout le monde : le pape François lui nous invite à pleurer, pleurer les disparus, comme « Rachel pleure ses enfants parce qu’ils ne sont plus » (cf. Matthieu 2,18 et Jérémie 31,15). Ne peut-on faire au moins cela ?

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