Le pape François ne cesse de nous surprendre et.. de nous interroger, et je m’en réjouis. Mais le propos récent est triste puisqu’il évoque une « troisième guerre mondiale » sous une forme inédite, « par morceaux ». Triste ? Oui, horrible même, mais aussi réaliste et prophétique. Mes amis libanais le disent depuis longtemps au sujet de leur pays, et ils n’ont certainement pas tort : les guerres qui ont lieu chez nous sont « des guerres par procuration », elles sont le fruit d’affrontements anciens et importés entre certaines puissances. Cette vérité libanaise devient hélas ! vérité universelle : en Libye, en Syrie, au Yémen, en Irak, en Ukraine et ailleurs (ce sont les « morceaux » dont parle le pape), les populations locales sont victimes de conflits qui les dépassent, et qu’elles sont bien impuissantes à maîtriser. Pire, le « jeu » des puissances occultes consiste à tout faire pour les y engager, et ceux qui résistent ne voient plus de salut ailleurs que dans la fuite : on n’a pas fini de compter les déplacés ou les exilés !
Mais on aurait tort de ne considérer que ces guerres qui se disent sous forme de bombardements ou d’attentats, et que l’on couvre souvent d’un manteau religieux : il est d’autres guerres qui se vivent là, d’ordre économique, et elles se vivent aussi par morceaux. S’il existe une tectonique des plaques terrestres, dont l’équilibre est toujours instable et provisoire, il existe aussi une tectonique du développement, avec des zones économiques qui s’entrechoquent et se déplacent, en provoquant maints tremblements de terre : si l’on s’exile (le plus souvent contre son gré, ne l’oublions pas) pour fuir la persécution ou la guerre, laquelle est souvent en lien avec la crise économique, on le fait aussi pour trouver des conditions de vie décentes que l’on n’avait pas ou plus dans son pays d’origine.
Si donc l’on veut trouver ou restaurer la paix, il serait illusoire de penser y parvenir sans garanties économiques, et sans doute, pour les pays les plus riches, sans une redistribution douloureuse de ces richesses : leur inégale répartition, l’accentuation des écarts au sein même de ces pays, finiront toujours par engendrer des violences, des déplacements de population, des « guerres par morceaux ».