Joie du retour : à propos de l’accueil aux sacrements des divorcés-remariés

Le fils prodigueAu moment où j’écris ces lignes, ce 25 octobre 2015, le synode sur la Famille s’achève tout juste à Rome, avec l’approbation du document final. Les titres des journaux en retiennent essentiellement la question de l’accueil des divorcés-remariés aux sacrements de réconciliation et de l’eucharistie, et assurent que le pape François « a gagné »… C’est une manière très réduite de voir les choses.

Je suis sûr que ce document, qui est le fruit de longs débats contradictoires et dont je ne connais encore que quelques extraits, recèle bien des richesses et qu’il ne faut pas le réduire à la question que je viens d’évoquer. Mais le fait que celle-ci soit systématiquement mise au premier plan manifeste clairement que le peuple de Dieu, et pas seulement les journalistes, est en attente : qui n’est pas confronté à cette question de l’accueil des divorcés-remariés à travers son entourage proche ?

Et déjà, dans les courriers des lecteurs, les avis s’expriment, de manière souvent très tranchée, pour ou contre l’admission des divorcés-remariés aux sacrements dont ils sont encore pour le moment théoriquement exclus. J’écris « théoriquement » parce que je fuis la langue de bois : comme pour la question de la contraception, nombreux sont les couples concernés qui refusent de se plier aux exigences romaines et s’appuient sur leur conscience.

Mon propos n’est pas ici de juger, de trancher, d’ajouter, mais de rappeler à cette occasion un évangile que l’on oublie (1), et qui me semble devoir guider nos réactions, celui du « Fils prodigue », parfois aussi appelé du « Père Miséricordieux », que l’on trouve en Luc 15,11-32. Les deux titres que je viens de rappeler laissent dans l’ombre la figure du fils aîné, et c’est un peu dommage parce qu’elle est très intéressante. Que dit en effet le Père à ce fils boudeur ? « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie; il était perdu et il est retrouvé ! »

Remarque-t-on ici assez que le Père miséricordieux ne donne à aucun moment une sorte de quitus à son fils prodigue pour sa conduite ? Quand la miséricorde du Père s’exerce à l’égard du fils plus jeune, le fait pour l’aîné d’être resté auprès de son Père est une chance, il ne perd rien, l’héritage ne s’en trouve pas amoindri… Il me semble que des remarques du même type peuvent être adressées à ceux qui s’étonnent, voire se plaignent, de l’accueil renouvelé, mais non sans exigences, des divorcés-remariés : ils sont restés auprès du Père dont ils ont pu recevoir grâce sur grâce, ils ont la chance eux de n’avoir pas perdu leur temps, leurs forces.. et leur argent dans de coûteuses et douloureuses procédures, le retour des éloignés ne diminue en rien la beauté du sacrement et les engagements qu’il présuppose.

Aussi, ce retour fait-il le bonheur du Père, et dans le cas qui nous occupe, du pape François. Eh ! bien, il fait aussi ma joie !

 

(1) Mais pas le Pape dont je découvre, postérieurement à la publication initiale de ce billet, qu’il y fait brièvement allusion dans son remarquable discours de clôture : « dépasser les tentations constantes du frère aîné ».

9 commentaires à propos de “Joie du retour : à propos de l’accueil aux sacrements des divorcés-remariés”

  1. Merci Hervé pour ce billet… Que l’Eglise fasse preuve de plus de tolérance et d’humanité, reconnaisse que ses membres peuvent se tromper, avoir un chemin sinueux, id est un chemin humain est essentiel à mes yeux ! Merci au Pape François qui fait bouger les lignes en ce sens ! Que Dieu lui prête longue vie et courage pour mener à bien toutes les réformes en profondeur qu’il engage sans langue de bois …

  2. Merci, Frère Hervé pour cet éclairage sur les échos du Synode (et sur l’attitude de l’aîné de la parabole…). J’avais été assez découragée en entendant hier sur les chaînes d’information les commentaires de certains journalistes…
    Il est tellement difficile d’y voir clair dans le monde actuel… Merci de débroussailler un peu notre chemin…

  3. Oui, frère Hervé, il est bien pertinent de mobiliser cet évangile pour décrypter la nature des réactions si contradictoires et parfois violentes. Une fois de plus l’évangile n’est pas sans ressources pour nous aider à dépasser nos peurs, nos immobilismes, nos routines, nos privilèges !

  4. Un grand merci Hervé,

    j’ai tellement souffert que mes parents (ils étaient tous deux de vrais catholiques) mais excommuniés parce que mon père était divorcé (en 1945 problème de suite de guerre quand il est rentré d’Allemagne). En épousant ma mère, ils furent exclus des sacrements (ce que je connaissais pas, car à l’époque on l’expliquait pas tout aux enfants). Il a fallu que ma pauvre mère en fin de vie, sur son lit de mourant, renonce à la « chair » pour pouvoir recevoir le dernier sacrement en 1964. Cela m’a beaucoup marqué, et certainement orienté ma vie. D’un autre coté, mon oncle avait épousé une protestante : viré de la famille !
    Il est grand temps de remettre à jour. On a trop souffert, on en en souffre trop, de devoir passer outre les « romains ».
    Et j’éprouve une grande admiration pour votre texte : « appuyer sur leur conscience ».
    Dieu ne nous a pas demandé l’impossible, mais de s’appuyer sur ce qui est bon, et sur notre conscience.

  5. Bonjour. Il est dit, à juste titre : « ….J’écris « théoriquement » parce que je fuis la langue de bois : comme pour la question de la contraception, nombreux sont les couples concernés qui refusent de se plier aux exigences romaines et s’appuient sur leur conscience ».
    Puisque c’est « reconnu » et que c’est une réalité connue depuis très longtemps…..pourquoi vouloir à tout prix que quelque chose vienne en quelque sorte donner un « quitus » pour les Sacrements aux divorcés remariés (validation par un prêtre – donc quelque chose d’autre que l’éventuelle reconnaissance de nullité Sacramentelle) ? Que chacun, après un éclairage « juste » et impartial, suive sa conscience. On n’est plus des enfants qui ont besoin d’autorisation, comme la question de la contraception. J’en viens à me demander si nous n’entrons pas dans une question de « l’objectif idéologique ».
    De mon point de vue, l’essentiel d’A.L. est le changement de regard que le Pape nous invite à avoir vis-à-vis de tous, et pas seulement des divorcés remariés (homosexuels, etc…). Pourquoi ramener la plupart du temps l’exhortation à la question des divorcés remariés ? Sur les 300 pages de l’exhortation le pape ne parle-t-il QUE des divorcés remariés….dont pourtant je fais partie. Il y a tant de beaux passages dans les autres chapitres !
    Cordialement. Marie

    • Madame, merci pour votre commentaire. Comme vous l’avez constaté, j’ai pesté moi-même contre la réduction, classique hélas ! dans le monde de l’information, à une seule question d’un texte beaucoup plus riche. Et je regrette aussi que certains restent encore trop étroits dans leur jugement, à l’exemple du fils aîné.
      En revanche, je crois qu’il est extrêmement important que quelqu’un d’autorisé, le prêtre dans la tradition catholique, « valide » le pardon, comme Jésus le faisait lui-même au cours de sa vie terrestre « tes péchés sont pardonnés », il ne pardonne pas lui-même, il authentifie le pardon. Ces médiations sont humaines, souvent trop humaines, mais absolument nécessaires dans une théologie et une pratique de l’incarnation.

  6. j’arrive « après la bataille » puisque votre article date maintenant de plus d’un an et demi…mais je constate qu’il est encore totalement d’actualité, même si les évêques de Buenos Aires ont parlé, même si les évêques de Malte et d’Allemagne ont parlé et que le pape a approuvé…il y a encore des diocèses chez nous qui ont peur de  » fâcher  » le fils ainé…alors qu’AMoris laetitia invite à la conversion de tous ..pour intégrer tout le monde !

    Que faire pour que cette  » conversion » doucement s’opère…

    en tout cas merci de votre texte, c’est un baume pour beaucoup
    nathalie

  7. Rétroliens : 23 mai 2017 | Le Synode vécu au fil des jours

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