Il y a à peine 48 h, je faisais savoir, via la page Facebook des Dominicains de Montpelllier, que mon dernier livre intitulé « Pour (re)commencer à croire. Catéchisme à l’usage de nos contemporains« , dédicacé entre autres à Gaspard Clermont (voir l’explication plus bas), allait sortir le 19 janvier aux Éditions du Cerf. Le titre de ce billet sur mon blog est une allusion à cet ouvrage, et le contenu du livre une sorte de petit catéchisme biblique.
Celui-ci va paraître quelques jours seulement avant que ne sorte à son tour, chez le même éditeur, le livre de Marie-Axelle et Benoît Clermont, les parents de Gaspard, prévu le 26 janvier. Le titre est celui de leur célèbre page Facebook « Gaspard entre terre et ciel« , et le contenu un témoignage à quatre mains sur ce que chacun d’eux a vécu auprès de Gaspard et après sa disparition.
Benoît a écrit en ligne de nos livres qu’il s’agissait de « jumeaux » : au niveau du contenu, on voit que ce sont de « faux jumeaux ». Mais il est parfaitement vrai que chacun de ces deux ouvrages doit directement ou indirectement son existence à l’influence et la fécondité de notre petit saint de Rueil. Quant à savoir si les éditions du Cerf ont prémédité leur programmation, par exemple en fonction du premier anniversaire de la disparition de Gaspard le 1er février, c’est probable, mais il faut le leur demander.
A l’occasion de ce premier anniversaire, qui va nous arracher à tous beaucoup de larmes, qui va me conduire sans doute à réentendre en boucle le fameux « Puisque tu pars » de Jean-Jacques Goldman, qui va aussi précéder de quelques jours, le 5 février, tout à la fois la sortie du film de Steven Gunnel « Gaspard, soldat de l’amour » et la mémoire de l’enterrement de Gaspard à Versailles que j’ai concélébré, j’ai choisi de publier un texte que mes amis Clermont ont entre les mains depuis quelque temps déjà et que j’ai légèrement actualisé : une évocation de ma rencontre avec Gaspard et sa famille, et de ce que cela a changé dans ma vie de religieux dominicain, prêtre, sur le chemin de sa 67e année. Beaucoup d’autres pourraient sans doute, s’ils ne l’ont pas déjà fait auprès de Marie-Axelle et Benoît, publier des témoignages du même type, et j’espère bien qu’un jour l’ensemble constituera la « positio » nécessaire à Rome pour obtenir la béatification de Gaspard. Voici pour ce qui me concerne
« C’était la fin de l’été 2016. J’étais à Lourdes pour assurer l’aumônerie de sœurs dominicaines. Depuis quelques mois, le féru d’informatique que je suis avait, non sans de fortes résistances mais pour le bien de ma communauté dominicaine de Montpellier, accepté de mettre le petit doigt dans Facebook.
Ce jour-là, ce petit doigt s’est retrouvé coincé dans une page que je découvrais et qui tranchait tellement, par l’humanité et la qualité de ses « statuts », par la beauté et l’inspiration de ses photos, avec celles que j’avais jusqu’alors connues. Gaspard entrait impromptu dans ma vie de prêtre et de religieux, et le ciel avec lui, ce ciel qu’il s’apprêtait à rejoindre.
Ce jour-là, ses parents, Marie-Axelle et Benoît, nous invitaient à prier pour lui le 30 août, à l’occasion de ses trois ans. Ils nous proposaient d’allumer une bougie, de la prendre en photo et de leur envoyer. Ce que j’ai fait. Et ce fut le début de nombreux échanges avec eux, en particulier à l’occasion de la confirmation de Gaspard.
Ce jour-là, une complicité est née avec Gaspard lui-même. Pas seulement parce que je suivais sa page, dont les statuts étaient écrits par Marie-Axelle et Benoît, mais parce qu’en vérité, et je le comprenais de mieux en mieux, c’était Gaspard qui les inspirait et les faisait écrire. En lui, j’ai reconnu un messager divin et je l’ai suivi, comme d’autres en d’autres temps et sous d’autres cieux, ont suivi Jésus lui-même ou ses envoyés.
Oui, c’était bien avec Gaspard, pourtant muet, que la conversation s’était établie. Je l’ai encore mieux compris en allant le voir sur place dans l’appartement de ses parents trois jours avant Noël 2016 : j’ai croisé son regard infiniment doux et profond, que l’on disait alors aveugle mais qui pourtant vous transperçait, comme si Gaspard « voyait l’invisible » (He 11,27).
Ce jour-là, près de ses parents, de son frère, de ses deux sœurs, j’ai compris à l’intensité de ce regard que Gaspard avait changé ma vie et qu’il allait continuer de le faire : je m’en suis d’ailleurs fait l’écho quelques jours plus tard dans ma prédication du jour de Noël, publiée sur mon blog Proveritate, et qui a eu un très fort retentissement en allant rejoindre autour de 10.000 personnes.
Ce jour-là, à Noël 2016, c’était désormais clair, j’étais devenu un « converti par Gaspard ». Parmi d’autres. Le courrier des lecteurs, les échanges nombreux avec Marie-Axelle et Benoît, avant comme après le départ pour le ciel de Gaspard le 1er février, le monde présent à la messe des obsèques du soldat de l’amour, les contacts noués avec d’autres internautes écrivant sur la page, tout cela m’a amplement montré l’extraordinaire fécondité de cette courte et admirable vie. Voilà pourquoi, un jour, en guise de reconnaissance, je me suis rendu dans la banlieue parisienne sur la tombe blanche, récente et encore vierge, de notre héros et de mon nouveau et saint conseiller, pour le remercier et lui confier la nouvelle page qu’il avait ouverte dans ma vie [Et je vais y retourner dans quelques jours]…
Je parle de page à dessein. Comme enseignant en Bible, j’ai pas mal publié. Le livre dont j’ai parlé plus haut et qui va paraître incessamment est dédicacé à un couple et deux petits garçons, Guillaume, porteur de trisomie, et Gaspard. La raison pourrait être seulement sentimentale, elle ne l’est pas : l’idée du livre, puis sa réalisation concrète, sont venues d’échanges avec d’autres « convertis », en particulier une jeune mère de famille que la page de Gaspard avait reconduite vers la foi chrétienne de sa jeunesse, bien oubliée au fil du temps.
J’ai parlé jusqu’ici de ma rencontre avec Gaspard et de son impact en termes spirituels propres à la tradition chrétienne, mais j’ai bien conscience que, comme toutes les figures de sainteté, Gaspard n’est pas l’apanage des chrétiens : le témoignage de force dans la faiblesse qu’il a donné, la beauté et la profondeur de son regard, ont touché de nombreux cœurs, par-delà toutes les limites que l’on pourrait ou voudrait imposer. D’ailleurs, quand je suis allé lui rendre visite ce jeudi 22 décembre 2016, Marie-Axelle et Benoît m’ont dit qu’un couple de juifs était déjà venu le voir ; parmi les trois ou quatre visiteurs qui passaient en moyenne chaque jour ».
Nous sommes le 14 janvier 2018. Le jour que Dieu voudra, le monde entier reconnaîtra sans doute qu’à l’exemple de Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, Gaspard « passe son ciel à faire du bien sur la terre » : telle est d’ailleurs l’épitaphe qui figure maintenant sur sa tombe.