Ad orientem : quelques réflexions de symbolique liturgique

Préparant son prochain mariage, un jeune couple m’a demandé s’il serait possible de vivre la célébration eucharistique ad Orientem, comprenons « tournés vers l’Orient » : j’avoue avoir été surpris et troublé par cette demande, qui semble se multiplier chez les jeunes générations chrétiennes, sous l’égide de quelques autorités romaines. Et je me suis alors demandé les raisons de mon trouble…

Taisnieres sur HonAd Orientem ? Mais où est-il cet Orient dont on nous parle ? Est-ce simplement un point cardinal, ou bien encore un lieu saint ? Pour d’autres religions que chrétiennes, peut-être, mais pour le chrétien, je ne connais d’autre Orient que le Christ. Dès lors, quand je célèbre l’eucharistie, il est là l’Orient, avec l’autel, et plus encore avec les espèces consacrées sur l’autel. Lorsque le prêtre et les participants à la messe sont rassemblés autour de cet autel, ils sont de fait tous dirigés ad Orientem.

Ils le seraient aussi, il est vrai, si l’autel était lui-même logé contre le chevet d’une église orientée vers l’est, comme cela se faisait dans mon jeune temps et comme le pratiquent encore les traditionalistes et quelques autres. Autrement dit, si l’on veut être cohérent avec une telle requête, alors il faut une autre disposition de l’autel, et pas seulement du prêtre et des fidèles…

Oui, mais alors, sommes-nous en train de célébrer un sacrifice de l’ancienne Alliance, ou le repas du Seigneur dans la nouvelle Alliance ? Ce qui est en jeu à travers la requête, c’est bien en effet la symbolique du repas, que les réformes liturgiques ont voulu rappeler et accentuer, mais qui se perd dans la forme ad Orientem ; au profit d’une autre symbolique, beaucoup plus sacrificielle, attachée pour moi à l’Ancien Testament ! Alors que Jésus, si l’on en croit les évangiles, a multiplié les repas considérés comme des moments privilégiés de communion et de partage, alors que nous vivons dans un monde où l’individualisme règne en maître, où il est si difficile de donner le baiser de paix à son voisin inconnu, il me semble essentiel de conserver et de mettre en valeur cette symbolique du repas.

Lorsque j’ai interrogé le jeune couple sur les raisons profondes de sa demande, il a reconnu n’avoir pas envisagé cette dernière symbolique, mais avoir été sensible à l’unité, à l’élan manifesté dans le fait de se tourner tous ensemble vers l’Orient, et finalement à la beauté du geste. Je crois qu’il faut entendre ce dernier point, non pas en célébrant l’eucharistie comme un repas donné par Mme la duchesse de XY, dans un hiératisme figé, mais certainement en revanche avec une grande dignité dans le geste et le chant.. ou le silence. Et sans doute rappeler, dans les homélies ou la catéchèse, que la dernière Cène était un repas, quand bien même Jésus s’y est offert en sacrifice.