L’écologie est à la mode depuis en gros la fin des « Trente Glorieuses », autrement dit les années 70. Elle fait en ce moment même la Une des journaux français après la démission et le remplacement de Nicolas Hulot. Mais il faut bien admettre qu’elle est beaucoup plus qu’une question de mode ou d’opportunité, et qu’elle devient, déjà sous la plume du pape François, une préoccupation très partagée sur la planète. Les modifications climatiques y sont pour beaucoup, y compris bien sûr chez nous en France, où la chaleur de cet été 2018 n’a pas réussi à passer pour une nouvelle exception : voir entre autres sur ce sujet l’article de notre ami Erwan Le Morhedec, paru dans La Vie au cours de ce même été.

Les prévisionnistes parlent maintenant de 2,5 à 4° de croissance des températures en moyenne annuelle d’ici 2050, voire 2040, avec toutes les conséquences que cela implique. Mais il n’y a pas que le climat qui soit signe, à la fois cause et effet, de déséquilibres dans le domaine de l’écologie : une eau qui fait défaut ou est très mal répartie, la diminution des énergies fossiles, les habitudes alimentaires, la consommation énergétique, les migrations, la mondialisation… Les livres sur le sujet abondent, je suis en train de lire celui de Pablo Servigne, Nourrir l’Europe en temps de crise. Vers des systèmes alimentaires résilients (Namur, 2014) : le tableau est sombre, mais ne semble pas exagéré du tout.
Il y a urgence à agir. La question que chacun se pose est bien sûr : pouvons-nous faire quelque chose ? Le problème est si vaste et systémique (ce sur quoi insiste avec raison Pablo Servigne) que l’on se demande par quel bout prendre le problème et agir de manière efficace ? On connaît la légende du colibri, popularisée par Pierre Rabhi : l’écologie concerne tout le monde, à chacun de faire sa part, quelle que soit l’insignifiance apparente de celle-ci. Mon propos n’est pas dans ce billet d’ajouter quelque suggestion que ce soit dans ce domaine, je n’ai ni l’expérience, ni la mission pour ce faire.
En revanche, si je m’en tiens à l’histoire des communautés religieuses tout au long de leur existence, il me semble pouvoir dire qu’elles ont presque toujours été à la pointe des « combats écologiques » de leur époque : les bénédictins dans le domaine agricole, plusieurs congrégations dans la lutte contre toutes sortes de maladies, d’autres en vue d’une meilleure éducation accessible à tous etc. Il serait dommage que les communautés d’aujourd’hui, et je pense aussi à la mienne, soient si embourgeoisées (pour nous, religieux urbains, diverses « mondanités », la voiture, la télé, les sorties au restaurant, les voyages touristiques qualifiés d’apostoliques etc.) qu’elles subissent les évolutions possibles et nécessaires relatives à l’écologie, au lieu de les précéder ou d’en être les expérimentateurs à travers de nouveaux modes de vie.
L’évolution nécessaire, si elle était mise en oeuvre avec résolution et continuité dans les communautés religieuses, pourrait d’ailleurs avoir un grand impact spirituel à titre exemplaire : en parallèle avec le « voyez comme ils s’aiment », toujours souhaitable, on entendrait un « voyez comme ils nous montrent le chemin à prendre ».
Cette même évolution, si elle était largement prise en charge par les chrétiens dans leur vie personnelle et familiale, serait bénéfique sur un autre plan. En effet, la « révolution écologique » ne saurait consister comme c’est encore trop souvent le cas en quelques mesurettes. Par son inévitable ampleur, elle suppose un engagement de chacun et de tous, en pleine solidarité, un changement de cadre et de perspective, une autre manière de vivre et de partager : la dimension spirituelle pourrait apparaître alors de plus en plus comme un stimulant et un adjuvant nécessaire et bienvenu.