Quel est votre Jésus ?

Frères et sœurs, quelle image vous faîtes-vous de Jésus ? Il ne suffit pas de dire avec Pierre « tu es le Christ », mais de quel Christ parlons-nous ? Grand, petit, brun blond, cheveux filasse ou bouclés, généreux, boudeur… ? Chacun de nous se fait une idée, et c’est d’ailleurs pour moi la raison pour laquelle il m’est si difficile de voir un film où apparaît Jésus, fût-il aussi beau que celui de Pasolini : le Jésus que je vois n’est pas « mon » Jésus.

Jésus de Mel Gibson

Mais je vais préciser ma question : ce Jésus dont vous concevez l’image est-il réaliste ? Je ne parle pas du Jésus sanglant de Mel Gibson, mais de ce Messie pauvre, humilié, blessé, délaissé qu’annonce aujourd’hui le livre d’Isaïe ; ou de celui rejeté, tué, qui plus est comme ils le verront plus tard, crucifié, que Jésus propose à ses disciples ? Je crois que n’importe lequel d’entre nous aurait aujourd’hui autant de mal que Pierre en a eu à son époque.

En fait, j’ai le sentiment que, pour une part plus ou moins grande, nous idéalisons tous Jésus, que nous le voyons tel que nous voudrions qu’il soit et non pas tel qu’il fût vraiment ou tel qu’il voudrait être pour nous : par peur d’une telle image, par peur de ce qu’il est et de ce qu’il pourrait nous demander. J’y vois l’une des raisons pour lesquelles il nous est si difficile de le reconnaître dans ce mendiant couché à notre porte, dans ce vieillard oublié dans sa maison de retraite, dans cet handicapé aux membres désarticulés, dans cette veuve isolée… Du coup, nous sommes bien souvent de ces personnes dont nous a parlé la lettre de Jacques et dont la foi manque cruellement de mise en œuvre.

Sans doute faut-il souligner que, même en ayant dans nos cœurs et nos pensées la réalité d’un Jésus pauvre et délaissé, cela ne suffit pas toujours à faire le pas décisif de le reconnaître dans ceux qui présentent ce visage : je pense souvent à cet égard à notre père Saint François devant son fameux lépreux. Pour le dire avec les mots de Jésus, renoncer à soi-même, prendre sa croix et suivre notre Sauveur ne vont jamais de soi, même si, pour une part, nous voudrions y répondre parce que nous savons que c’est la meilleure des choses pour nous.

C’est ici qu’intervient, me semble-t-il, la prière, cette prière à laquelle Jésus lui-même était fidèle : pour nous, dans les moments les plus difficiles, elle ne vise pas vraiment à modifier une situation, encore moins à changer ceux qui sont en face de nous le cas échéant comme le lépreux de François, qui reste un lépreux. Non, la prière vient modifier notre propre cœur pour le rendre plus « saignant », plus compatissant, plus en phase avec celui de Jésus. La prière nous transforme nous, et c’est pourquoi elle nous permet ensuite de faire ce que nous ne nous serions pas crus capables de faire. Comme de recevoir le Christ tel qu’il est et de perdre notre vie pour notre prochain.

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