Communiquons, faisons des communiqués, développons la communication : nous vivons à une époque où l’on n’a jamais autant parlé de communication. Bon signe ? Je n’en suis pas si sûr : bien sûr, les outils de communication se sont multipliés, à commencer par nos smartphones que l’on trouve en tous lieux et tous pays, quels que soient les moyens financiers, ou la qualité de la « couverture ». Mais communiquons-nous vraiment à travers un tel outil ?
Chacun de mes lecteurs a pu en faire l’expérience : dans un train, dans une rame de métro, 90% des voyageurs sont aujourd’hui collés à leurs smartphones, le plus souvent pour écouter de la musique, certainement pas pour communiquer avec les voisins. Et voilà que, si pour quelque raison, le train se trouve à l’arrêt pour un temps un peu long, les langues se délient, les échanges ont lieu, une vraie communication se met en place : les smartphones ne l’avaient pas créée, ils avaient contribué à l’isolement des uns et des autres, au moins par rapport à leurs plus proches voisins.
Car si l’information passe par l’usage de ces outils, je me demande si l’on peut parler de communication. Au moment où j’écris ces lignes, je participe à un chapitre provincial des Dominicains de la Province de Toulouse, qui rassemble une vingtaine de frères pendant une quinzaine de jours. Rencontres tout au long du jour. Un peu d’information, mais surtout beaucoup de communication, dans un climat excellent d’écoute, d’attention. Les smartphones, dois-je le signaler, sont éteints… au moins pendant les sessions plénières, celles où l’on communique.
Plus j’y pense, plus je me dis que c’est normal : les smartphones, comme tous les autres médias de notre époque, sont des outils au service de l’information immédiate, quand la communication demande distance, réflexion, silence même souvent. L’un de mes frères dominicains, interrogé sur la question ces jours-ci, m’affirmait qu’il a besoin habituellement de son smartphone sur lui, du fait en particulier qu’il est aumônier d’hôpital : il ne l’a pas toujours eu bien sûr, mais en l’écoutant, je me demandais surtout si les urgences d’aujourd’hui sont plus urgentes que celles d’hier quand les smartphones n’existaient pas…
Dans le livre de la Genèse, alors qu’il a déjà créé l’être humain, Dieu dit : « il n’est pas bon que l’homme soit seul, il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie » (Gn 2,18). Certains pensent qu’il lui a donné un smartphone à cet effet, mais non : c’est un autre être humain, différent et complémentaire, qui est sorti de ses mains. Pour une communication humaine, entre humains réels et non virtuels, proches l’un de l’autre, et pour toute leur lignée. Pour une vraie communication, profonde, chaleureuse, difficile aussi souvent : mais c’est bien là le prélude à toute communion. Une communion que l’information ne pourra jamais donner.
Bonne année 2019 à tous, en espérant que ce nouveau billet se prolonge pour chacun dans le domaine non de l’information, mais de la communication. Mieux encore de la communion.
Postface 2021 : Un de mes correspondants prône, ce qui peut sembler l’inverse de mon propos, l’information plutôt que la communication. Je crois que nous sommes en fait sur la même longueur d’ondes, que nous mettons chacun en cause une face différente du même problème, celui de l’urgence.
Lui voit dans l’information une dimension d’échange et de rencontre, qui peut se faire en profondeur, et non dans la communication, un artifice fondé sur l’immédiateté : que l’on pense à ce qu’en fait notre président de la République. Pour ma part, et ce n’est pas si différent, je dénonce dans l’information, telle qu’elle est souvent reçue et transmise, une part d’opacité et de légèreté, et dans la communication, un essai d’intelligence et de partage. D’où ma finale sur la communion.