Si j’en crois ce que l’on me rapporte, mes frères dominicains étasuniens n’ont pas choisi le milieu : ils penchent majoritairement du coté républicain. Je n’écris pas du côté de M. Trump, un voyou en instance de départ, mais bien du côté républicain : encore que, si ce côté-là ne leur offre qu’un M. Trump, ils le choisiront sans hésiter.
La raison en est connue, quasi-évidente : les Républicains sont censés être très largement en faveur de la vie, autrement dit « Pro Life« . Sans intervention humaine, de la vie depuis les origines, dans le sein de la mère, jusqu’à la fin. A l’inverse pense-t-on des Démocrates. Et là, il suffit de lire le profil des deux derniers sénateurs démocrates américains élus, parmi lesquels un pasteur baptiste, pour reconnaître qu’il y a de quoi se poser des questions : ces profils annoncés sont largement « porte ouverte à tout ».
Bien sûr, pour un observateur attentif, ce regard « Pro Life » est biaisée, ou en tout cas très incomplet. Si j’en juge par l’image que l’on donne de M. Trump, dont je sais bien qu’il ne représente pas tous les Républicains, mais quand même pas mal d’entre eux, ce regard néglige les très sombres aspects que sont la prime au plus fort, l’inconscience écologique, l’inégalité économique, la chasse aux migrants, l’acceptation de la peine de mort etc. On trouvera toujours de bonnes raisons pour justifier de telles orientations, il reste qu’on est loin de celles prônées par Laudato Si. Sauf à écarter cet écrit qui serait celui d’un pape communiste : aussi communiste, il est vrai, que l’était Jésus lui-même !
Suis-je en train de faire le lit des Démocrates ? Loin de moi une telle idée. Les orientations que défend la majorité d’entre eux sont, sur ces mêmes plans comme sur d’autres, en particulier l’éthique de la vie, aussi loin de Laudato Si que celles des Républicains. Et le fait que M. Biden soit catholique ne change rien à l’affaire.
In medio stat virtus, dit un vieux proverbe latin : au milieu donc, entre deux écueils, se trouve la vertu, entendons le courage, la force. Mais quel milieu peut-on trouver entre la chaise républicaine et la chaise démocrate, quand toutes les deux apparaissent aussi branlantes ? Du coup, certains choisiront l’abstention quand d’autres feront un « choix par défaut ». On peut vraiment parler de « choix cornélien ».
Cette difficulté n’est pas du tout l’apanage de nos amis étasuniens. Dans mon cher pays de France, pour ne citer que lui, le juste milieu entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron est bien difficile à trouver aussi. Si l’on considère le regard porté par la première sur l’immigration, un regard oublieux de notre responsabilité du fait de notre quête économique éperdue, et celui porté par le deuxième sur l’éthique de la vie, dont témoigne la loi bio-inique qui va faire prochainement son retour à l’assemblée, force est de reconnaître qu’un chrétien est au rouet !
Les efforts entrepris pour lever la difficulté, dans l’ordre de la démocratie chrétienne, n’ont pas montré leur pertinence, et n’ont guère été suivis. Peuvent-ils réussir dans un monde en décomposition, très clivé, où l’on flatte les extrêmes, et lorsque leurs promoteurs ne se manifestent pas comme des modèles aguerris de vertu ? Ne rêvons pas que notre monde soit vraiment autre qu’il n’est vraiment : il n’est et ne sera jamais d’autre monde vraiment chrétien que celui du ciel. Pour l’heure, acceptons la situation très inconfortable de devoir perpétuellement chercher un milieu qui n’existe pas vraiment, et de nous tromper peut-être.
Assis entre deux chaises c est inconfortable. Sur l une ou sur l autre tout autant. Alors rester debout à regarder le ciel ?
Pourquoi pas ?