Frères et sœurs, lequel d’entre nous ne recherche pas une assurance au cours de sa vie ? Une assurance qui puisse lui offrir par exemple, à défaut d’argent ou le bonheur, une garantie de santé ? Sous des formes diverses, et en particulier pour nous dans ce temps de pandémie, nous en faisons tous ou presque tous l’expérience.
Presque tous, mais apparemment pas Abraham. Son fils, Isaac, est venu combler une attente désespérée au plan familial, et voici qu’il est invité, par celui-là même qui le lui a donné et se comporte donc d’une manière incompréhensible, non seulement à s’en séparer, mais même à l’immoler en sacrifice. Se séparer de ce que l’on a de plus cher, c’est toujours très douloureux, mais j’admire ici celui qui accepte a priori de le faire sans aucune assurance de trouver ou retrouver pareil don.
En proposant à Jésus de bâtir trois tentes, une pour Moïse, une pour Elie, et une pour Jésus, Pierre cherchait lui aussi sans doute une forme d’assurance : il voulait prolonger un moment de grâce qui lui offrait, comme à Jacques et Jean, une respiration et une ouverture dans un monde qu’il savait difficile. Ce cadeau ne lui a pas été fait, bien au contraire : en redescendant dans la plaine, lui, Jacques et Jean, sont invités à se taire et ne pourront même pas faire mémoire.
Frères et sœurs, à travers ces deux exemples, la liturgie nous propose d’entrer plus profondément dans le mystère de la croix, mystère incompréhensible d’une mort que rien ne peut justifier. Et c’est ici que la transfiguration vient jouer son rôle : elle manifeste que la croix, et la mort, n’ont pas, n’auront pas le dernier mot. Elle propose à Pierre, Jacques, Jean, et tant d’autres après eux, une assurance-vie.
L’expression vous étonne sans doute, vous choque peut-être parce que vous pensez spontanément à la vie telle que nous la connaissons : en fait, la transfiguration ouvre sur la vie véritable, la vie des origines. La vie qui resplendit à nouveau, dans tout son éclat, sur le visage et même les vêtements de Jésus, c’est la vie d’avant le péché. C’est pourquoi aucun foulon sur la terre ne peut lui donner cet éclat dont elle rayonne.
Les disciples sont ainsi conduits à comprendre, au rebours d’une pensée dominante qui la nie ou cherche à l’écarter : la mort physique n’est plus le dernier mot de la vie ! La transfiguration est bien la première assurance-vie, mais comme toute assurance de ce type, elle ne se touche qu’à la mort de celui qui l’a souscrite. Il ne servait donc à rien pour Pierre, Jacques et Jean, de monter trois tentes : la Transfiguration était là pour leur ouvrir une espérance.
Tel est bien encore le cas aujourd’hui pour nous après la Résurrection, mais le ciel s’est ouvert, le fruit de cette espérance est déjà disponible. Pour le dire avec les mots de saint Paul dans la lettre aux Romains, dont on notera qu’il parle au présent : « Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous. » Oui, par-delà toutes nos croix, il nous a donné sa vie, il nous donne chaque jour LA vie.