Participant hier, en tant que prêtre-référent d’un collège, à une rencontre de la direction départementale de l’enseignement catholique, combien de fois ai-je entendu : « nous n’avons ni le temps, ni les moyens ». Mais il suffit de lire les journaux, d’écouter par exemple les personnels soignants tellement sollicités ces derniers temps, pour retrouver la même complainte. Sans parler des juges, des avocats, des policiers…
Loin de moi la pensée que cette réflexion ne correspondrait pas à une réalité vécue, souvent douloureusement. Je me dis simplement : « mais qui peut donner le temps et les moyens ? » Généralement, la complainte met en cause l’Etat, ou ses représentants en divers lieux, ou telle institution, dont il est bien évident qu’ils n’ont pas et n’auront sans doute jamais vraiment les moyens de répondre, surtout simultanément, aux demandes.
Si je me tourne vers une histoire qui m’est un peu plus familière, celle de l’Eglise, je me dis que les grandes œuvres qu’ont pu réaliser certains saints, ou d’autres qui ne le sont pas, ne l’ont pas été le plus souvent du fait des moyens mis à disposition, mais de bien d’autres facteurs.
En premier lieu l’élan, et la fidélité à cet élan. Ce qui suppose d’un point de vue chrétien la prière régulière : c’est elle qui est première, et qui va permettre de discerner entre ce qu’il faut faire et qui est possible, et ce qui est secondaire voire superflu. L’intuition est importante, mais elle doit être accompagnée de la prière. Une fois définies les priorités, il faut les mettre en œuvre avec les moyens du bord, toujours insuffisants et qui ne manqueront pas de générer fatigues et découragements.
En deuxième lieu, il faut compter sur le temps, et non pas compter le temps. Le « tout tout de suite », si caractéristique de notre époque fière de sa technologie, ne fonctionne pas. Chacun le sait bien, dix minutes consacrées chaque jour à une entreprise, dans la fidélité que j’évoquais, permettent de faire bien plus que vingt-quatre heures par à-coups. C’est l’oiseau qui construit son nid.
En troisième lieu, je mentionnerais les collaborations diverses apportées par des amis, des connaissances, des personnes rencontrées par hasard (existe-t-il dans ces moments-là ?). Ce qui est commencé à deux, le plus petit chiffre pour constituer un groupe, continuera souvent, au fil du temps et si cela doit continuer, à quatre, cinq, dix. Et si cela ne continue pas, il faut penser à renoncer, définitivement ou provisoirement, avant de recommencer peut-être dans d’autres circonstances, plus favorables, ou sous d’autres formes. L’obstination n’est pas nécessairement synonyme de fidélité.
En quatrième lieu, je suppose que beaucoup évoqueraient la communication : réaliser un projet, trouver des collaborations, et en particulier des financements, cela peut-il se faire aujourd’hui sans un « plan com » ? Quand je regarde autour de moi, que je pense aux réalisations durables des saints, je me dis que la com a sans doute été faite par d’autres qu’eux, indirectement, à partir de la (re)connaissance du travail fait. Autrement dit, souvent par le fameux « bouche à oreille ». Mais méfiance si les étapes précédentes n’ont pas connu déjà au moins un début de réalisation : le plan ne sera qu’une coquille vide.
Sans doute les moyens viennent-ils avec le temps, et donc la prière qui l’accompagne. En vérité, ni Rome ni Paris ne se sont faites en un jour !