Prédication donnée le dimanche 1er Août 2021 chez les Bénédictines de Valognes : Ex 16, 2-4.12-15 ; Ep 4, 17.20-24 et Jn 6, 24-35.
Mes sœurs, chers amis, l’âge venant, nous sommes nombreux à nous plaindre de nos pertes de mémoire. Mais nous rendons-nous toujours compte que cette fameuse mémoire peut être bonne ou mauvaise, tant elle charrie des éléments diversifiés et parfois opposés. Ce n’est bien sûr pas un hasard si les pères du Désert, et tant d’autres spirituels après eux, parlent de la purification de la mémoire.
Moïse, face à son peuple, avait déjà fort à faire sur ce plan-là. Le peuple en question, confronté à la dureté de la vie au désert, ne pense plus qu’à retourner en Egypte, pour y retrouver des marmites de viande et du pain à satiété : ils en oublient complètement l’oppression esclavagiste. Beaucoup plus tard, face aux foules qui le suivent, Jésus n’est pas dupe : ces foules ne le suivent pas tant pour écouter sa parole et s’en nourrir que pour se gaver du pain terrestre qu’il leur avait partagé. Non, elles n’avaient pas perdu la mémoire.
D’où son interpellation : « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme ». Ce que saint Paul reprend à sa manière : « Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée ».
Pas simple me direz-vous sans doute : comment donc transforme-t-on sa pensée ? Man hou, qu’est-ce que c’est, pourrions-nous dire à notre tour. Eh bien, il s’agit d’un vrai travail que le Seigneur ne fera pas à notre place, mais pour lequel il nous aidera. On dit souvent qu’une pensée en chasse une autre, comme un clou : il s’agit donc de nourrir sa pensée de manière positive, par la prière, la lecture, la méditation, en regardant plutôt devant soi que derrière. Si Rome ne s’est pas faite en un jour, cette purification de la mémoire ne se fera pas non plus en un jour, et il faudra cent fois sur le métier remettre l’ouvrage.
Quand j’avais six ou sept ans, la maison Fleurus publiait des « vies de saints » que l’on avait plaisir à lire et dont on se nourrissait volontiers, au moins chez les croyants. Plusieurs de ces vies ont été rééditées dans la collection « Belles histoires, belles vies ». Bien sûr, ce n’est pas la panacée, d’autant plus qu’elles subissent la concurrence des BD ou des Mangas. Mais je voulais juste vous donner un exemple de ce qui peut nourrir la mémoire des plus jeunes. J’aurais pu vous proposer à eux comme à vous la Bible illustrée, même si la meilleure illustration consiste à la raconter : tant il est vrai que la Bible est faite pour cela, comme tradition orale avant de devenir tradition écrite.
A une époque, aujourd’hui révolue et considérée comme raciste, on disait : « Y’a bon Banania ». Alors, je vous propose une actualisation : « Y’a bon Biblomania, ou y’a bon Sanctomania ». Cela sonne moins bien que l’original, je ne sais pas si cela augmentera les ventes, mais c’est aussi, sinon plus, nourrissant ! Et c’est très bon pour la mémoire.