J’en ai marre à tant de points de vue !

Récemment, sur sa page Facebook consacrée à sa fille, Vanessa publiait une vidéo dans laquelle Rose déclarait : « n’a marre le masque ». Elle n’est pas la seule, je souscris volontiers à sa plainte, qui a suscité de sa part (et de celle de sa mère) une lettre écrite à M. Macron. Mais j’en ai marre de beaucoup d’autres choses, aussi et peut-être plus importantes.

J’en ai marre par exemple de lire tant et tant d’articles et de billets vantant les mérites de notre président, faisant écho sans vergogne à tous ses déplacements et à ses distributions financières tous azimuts : la prochaine échéance électorale semble le motiver beaucoup plus que le bien commun qu’il prétend servir par ses dons. En outre, je serais M. Castex, je finirais par me demander s’il me laisse vraiment une place comme premier ministre. Ah ! s’il a jamais existé, je vais finir par regretter l’heureux temps moins médiatique où le président présidait, avec distance et hauteur de vue, et laissait son premier ministre gouverner et… prendre les coups.

J’en ai marre de constater que tout ce battage médiatique ne recouvre aucune ligne directrice, une ligne que les journaux et revues paraissent dans l’ensemble ne pas avoir non plus. Ces jours-ci, La Croix publiait un dossier tout à la gloire de M. Bolloré : celui-ci aurait le mérite de donner une « orientation chrétienne » aux médias qu’il acquiert. Je ne suis pas sûr d’être fan de l’orientation chrétienne choisie, entre autres de la vision politique qu’elle promeut, et moins encore des moyens employés pour l’assurer, mais je peux comprendre cette recherche de sens : mutatis mutandis, il me semble que ce fut à une époque lointaine et révolue, sur un autre registre, la force du journal Le Monde.

J’en ai marre de lire des courriers des lecteurs dans lesquels les intervenants, sans jamais chercher à comprendre le fond d’une argumentation, sans même avoir vraiment lu le billet sur lequel ils réagissent, s’étripent à qui mieux mieux, et à qui sortira le plus grand nombre de noms d’oiseaux. Ce n’est pas seulement la culture qui se perd, mais plus profondément l’art du débat qui est une dimension essentielle de cette culture.

Il faut réapprendre les principes de la disputatio, passer comme le suggérait en ligne quelqu’un dont le nom m’échappe « de l’information à la formation ». On en est très loin car cela demande du temps, de la prudence, de la modération, de la bienveillance, toutes choses que la culture médiatique ne contribue pas à développer. Pour ceux qui se demanderaient où s’en trouvent les modèles, voyez par exemple les pages FB de deux amis en ligne : Jean-Claude Guillebaud ou René Poujol. Ils offrent toujours du grain à moudre, même si l’on ne suit pas toujours leurs opinions. Voyez encore la réaction de cet autre ami, Louis-Damien Fruchaud, datée du 28 octobre et en écho au rapport Sauvé : elle a donné naissance à un débat ferme mais courtois et argumenté avec Me Henri de Beauregard.

Il existe encore bien des domaines où ce même « j’en ai marre » pourrait s’exprimer même s’il en reste toujours, comme ceux que je viens d’évoquer, qui apportent un peu de réconfort. Last but not least (cela fait bien dans la culture actuelle de dire en anglais des choses que l’on pourrait parfaitement dire en français), j’en ai marre de constater mon impuissance à faire bouger les choses ou à me bouger moi-même, sinon par la prière qui me paraît si souvent bien pauvre. Impuissance en particulier par rapport à cette violence multiforme qui règne sur notre monde : guerres, individualisme, mépris des petits et des pauvres, surveillance maladive…

Une violence qui est largement un fruit de la peur et qui n’a jamais quitté le monde : n’avait-elle pas commencé au jardin d’Eden (« j’ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché« , Gn 3,10) avant de devenir une composante essentielle du péché et donc de mon/notre (in)humanité ?

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