Voilà une invitation que les assistants à une messe entendent à quatre reprises : « Le Seigneur soit avec vous ! ». Elle ne fait que reprendre une parole qui ne résonne pas seulement dans l’évangile comme une salutation, par exemple à l’adresse de la Vierge Marie (Lc 1,28) ou au lendemain de la résurrection (Mt 28,20), ou bien encore à l’intention des correspondants de Paul (2 Tm 4,22), mais aussi dans toute la Bible sous des formes identiques ou à peine différentes : « le Seigneur soit (ou est ou sera) avec toi (ton esprit) ! » (Rt 2,4 ; 1 S 17,37 ; 2 S 14,17…).
Mais l’entendons-nous vraiment dans toute sa force ? S’agit-il pour chacun de nous d’un gentil souhait ou d’une réalité ? Si c’est un simple souhait, il n’a pas plus de force qu’un bonjour ou un aurevoir. En revanche, s’il s’agit d’une réalité, si le Seigneur est avec nous, alors cela veut dire que la force de Dieu est à l’œuvre en nous, ce qui change tout. Typique à cet égard est la manière dont l’ange du Seigneur entre en contact avec Gédéon : « Le Seigneur est avec toi, vaillant guerrier » (Jg 6,12). Or Gédéon n’était pas d’emblée un vaillant guerrier, c’est le force du Seigneur qui va lui permettre de le devenir et de chasser Madiân, comme en témoigne le récit un peu plus loin : « Le Seigneur se tourna vers lui et dit : « Va avec cette force que tu as et sauve Israël de Madiân. Oui, c’est moi qui t’envoie ! » » (Jg 6,14).
Dans la tradition chrétienne, le vecteur de cette force est la foi : c’est avec elle, dira Jésus, qu’il devient possible de « déplacer les montages » (Mc 11,23). La foi est trop souvent réduite à une « profession de foi », autrement dit à un ensemble de vérités à croire. Mais dans la tradition chrétienne, paulinienne en particulier, elle est aussi et peut-être d’abord ce lien intime qui unit le chrétien à la Trinité sainte, dont il reçoit la vie, autrement dit l(‘élan et la force. « Le Seigneur soit avec vous ! » devient alors la plus grand grâce que l’on puisse souhaiter à ceux qui nous entourent et partagent notre foi.