Avant, je détournais le regard

[Dans un billet sur le regard écrit en 2016, qui date donc de l’époque où Jean Vanier n’avait pas encore été mis en accusation pour des comportements inacceptables, j’avais évoqué cette question du regard, en publiant même plusieurs photos. Voici un billet écrit par Raphaëlle Isabella sur Instagram, et reproduit avec son autorisation. Raphaëlle est maman du Charles, porteur de trisomie 21, et outre sa présence sur Instagram, elle a aussi lancé un site de podcasts, La Trifférence, sur ce thème de la trisomie : elle y interviewe des personnes concernées par la question.]

Je crois qu’on ne se rend pas bien compte de comment on agit face au handicap lorsque nos rencontres avec lui sont rares et ne nous impliquent pas directement. Je me revois être cette personne mal à l’aise, qui ne sachant pas comment regarder préférait détourner les yeux et regarder ailleurs.

En y repensant aujourd’hui, je trouve ça d’une grande violence pour la personne en face qui, si elle perçoit ce détournement de regard, ne peut en être que blessée au plus profond d’elle-même. Comme si elle ne méritait même pas un coup d’œil de ma part. Je me questionnais vraiment sur la manière adéquate de regarder quelqu’un qui n’était pas comme moi.

Je ne voulais pas qu’à travers mon regard, on sente une supériorité. Je ne voulais pas donner l’impression d’avoir pitié d’eux. Je ne voulais pas paraître trop compatissante alors qu’il n’y a pas forcément besoin de l’être. Je ne voulais pas que mes sourires soient mal interprétés alors je ne souriais pas. Je ne savais pas qu’est-ce qui était approprié alors j’étais aux abonnés absents. Et je crois aujourd’hui que c’est pire. Lorsqu’on est nous même ignorés sciemment par la personne en face, rares sont ceux qui le vivent bien. Et on est, je pense, beaucoup à trouver ça impoli.

Le bon regard
Photo par Kelly Sikkema sur Unsplash

Je me rends compte aujourd’hui à quel point mes réactions étaient problématiques et petit à petit, je surmonte ce malaise. Je me découvre de nouvelles aptitudes et je m’ouvre au monde dans sa globalité. Avant, je détournais le regard parce que la difficulté de savoir comment regarder me freinait sur le fait même d’essayer. Maintenant, j’ouvre mes yeux mais aussi mon cœur : et dans mon regard se devine aujourd’hui toute la bonté que je veux transmettre, je l’espère pas trop maladroitement, à cet autre qui face à moi n’attend qu’une réaction ordinaire.

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