« Le chemin des estives« , un livre de Charles Wright, a déjà plus d’un an et bien des critiques, positives pour la plupart, derrière lui. Je rappelle que l’auteur y décrit une marche de trois semaines, sur 700 kms environ, entreprise à deux, sans autres ressources que celles qui seront glanées sur le chemin. Essentiellement dans ce cas précis en Auvergne sur le GR 4. Totale liberté à assumer à deux.
Le livre est merveilleusement écrit, rempli de belles réflexions, et je ne saurais trop en conseiller la lecture. Mais l’objet de ce billet n’est pas de faire de la publicité pour ce livre, mais de revenir sur cette liberté que son auteur espérait trouver en prenant de la distance avec sa vie d’alors. L’expérience, ou plutôt l’expériment comme disent mes amis jésuites, va se révéler très positive, mais peut-être pas exactement comme Wright l’espérait. Ou plutôt au-delà de ce qu’il espérait.
Bien sûr, elle lui fait redécouvrir la nature, un autre rapport au temps, les difficultés du compagnonnage quotidien, et tout cela est fort bien décrit. Mais, grâce au silence, à la prière et à la contemplation (et peut-être aussi aux vaches Salers qui jouent un grand rôle dans le récit), l’expérience le reconduit vers son moi profond. Wright va se libérer de son propos jésuite initial, mais cette liberté nouvelle n’est pas largage d’amarres, mais plutôt approfondissement, redécouverte d’un continent connu, mais duquel il ne connaissait que la surface. J’aime beaucoup cette réflexion de la page 180 : « Se retirer ne signifie pas dire adieu. En fait, le solitaire ne rompt pas le lien, il desserre son étreinte. Pour mieux agir sur le monde, il fait un petit pas de côté. Un détour pour reconquérir sa liberté. »
En fait, Wright et son compagnon de route réalisent, sous une forme particulière, le rôle des retraites de 30 jours telles que les proposent justement les jésuites : il s’agit d’un très nécessaire retour sur soi, ou plutôt en soi. Un peu à la manière dont l’a fait par nécessité le fameux fils prodigue, un évangile qui nous était lu ce dimanche 11 septembre 2022 (Luc 15,11-32).
Comme le montre la multiplication des pèlerinages et surtout des pèlerins, en particulier vers Compostelle, il me semble qu’avec cette demande de retraites, et donc de meilleure connaissance de soi, nous faisons face à une quête qu’il est important et possible de satisfaire, sans se tourner nécessairement vers les offres orientales : l’Esprit de Jésus en saura toujours plus qu’elles sur chacun de nous.