Chers amis, le prophète Isaïe vient de l’affirmer : « tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu ». Qui sont-ils ces lointains ? Pour autant que l’on sache, des bergers qui sont à l’époque des gens peu considérés, et des Mages, autrement dit des astrologues qui viennent du monde païen. Ils ne se sont pas contentés de venir, ils ont apporté des cadeaux, et se sont inclinés devant l’enfant de la crèche pour l’adorer. En fait, les lointains qui nous sont donnés en exemple sont des marginaux pour l’époque.
Car je ne sache pas qu’Hérode dans son palais soit venu, encore qu’il semble l’avoir souhaité, mais c’était en vue de faire disparaître le nouveau-né ; ni sa cour, ni les gens de bien, comme on dit parfois. Saint Jean le note dans l’évangile que nous venons d’entendre : « le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu ». Doit-on s’en étonner ? Bien sûr, on peut se réjouir d’une naissance, mais n’est-ce pas une idée étrange que de s’incliner devant un enfant et de l’adorer ?
D’ailleurs, les lointains ne semblent pas être venus à leur seule initiative, ils y ont été invités, les bergers par des créatures célestes angéliques, les Mages par une étoile d’une brillance exceptionnelle. Du coup, ils ne pouvaient pas faire moins que d’aller se rendre compte de l’origine ultime de ces phénomènes. Mais s’agit-il de la seule et vraie raison de leurs mouvements, je n’en suis pas sûr. S’ils ont répondu à un appel, c’est aussi et peut-être surtout parce qu’ils étaient dans une forme d’attente. Vague, confuse peut-être, mais réelle : tel est bien le rôle des astrologues de chercher sans savoir ce qu’ils vont trouver, et ceux que la société marginalise de souhaiter retrouver des formes d’intégration.
Les lointains sont donc venus, ils ont vu et ils ont cru. Ils ont cru que ce petit enfant, né dans une étable à l’écart de la cour d’Hérode comme à l’écart des gens rassemblés dans l’auberge où Marie et Joseph ont choisi de s’arrêter, était bien celui qui allait combler leur plus profond désir. Dans la foi, ils ont vu l’invisible dans le visible, le ciel sur la terre, le Verbe de Dieu dans un petit enfant que rien ne semble différencier des autres enfants : lesquels supporteront du coup la fureur assassine d’Hérode.
L’attente a creusé et façonné le désir et la foi des bergers et des mages, elle leur a permis de reconnaître le Sauveur du monde dans un enfant. C’est le principe de toute attente de se remodeler au fil du temps. Nous venons à notre tour auprès de l’enfant, à travers la représentation symbolique d’une crèche originale imaginée par le frère Arnaud et des amis : sachons y voir une présence et renouveler notre foi dans le salut apporté par Jésus.