Devenir Dieu

Frères et sœurs, selon le livre de la Genèse, mais de nombreux exemples actuels le confirment, l’homme a toujours voulu devenir Dieu depuis l’aube des temps. Deux voies s’offrent alors à lui pour y parvenir.

La première nous est rapportée dans le livre évoqué : le devenir à partir de ses propres forces, autrement dit, de son génie propre. Telle est la proposition du Tentateur : si vous voulez devenir Dieu, c’est votre affaire ! Mangez de l’arbre qui est au milieu du jardin, et c’est gagné. Il n’en est rien et le Tentateur peut jouir de sa tromperie : l’homme ne devient pas Dieu, mais au mieux comme Dieu ! Voilà ce que nous constatons aujourd’hui, l’homme s’approche de Dieu par la puissance qu’il croit sienne, par ses découvertes, par ce fameux progrès dont on nous rebat les oreilles, mais il n’est pas Dieu.

Devenir Dieu en descendant les marches

La deuxième voie est celle qu’évoque l’évangile des Béatitudes, et en fait l’évangile tout court. Et elle est au sens propre renversante. Elle demande de renoncer à une puissance qui ne serait que personnelle pour s’en remettre totalement à Dieu lui-même, et recevoir de lui la vie, le mouvement et l’être. Nous sommes invités à descendre les marches plutôt qu’à les monter. Les Béatitudes sont le programme d’action d’une telle vie de renoncement et d’accueil : heureux les pauvres, heureux les affamés, heureux les persécutés !

Il faut bien l’admettre : un tel programme n’est pas a priori très attirant. Jésus le sait, il parle dans l’évangile d’une voie étroite. Mais alors même qu’il n’avait pas à devenir Dieu, l’étant déjà, c’est la voie qu’il a lui-même suivie, en pionnier. Il a lui-même mis en œuvre le programme des Béatitudes, nous laissant un modèle pour que nous marchions sur ses traces, et pour que nous devenions vraiment Dieu. Et non pas simplement « comme Dieu ». Cela, l’homme ne l’est-il pas déjà par l’image de Dieu qu’il porte en lui ?

La perspective est claire, mais oserons-nous prendre, du bas de notre faiblesse, ce chemin qui s’annonce si difficile, si douloureux même puisqu’il passe par la croix ? Pourtant, à travers et au-delà de toutes nos tribulations, un salut nous est promis, évoqué dans les deux premières lectures. Chez le prophète Sophonie : « Le reste d’Israël pourra paître et se reposer » ; ou par la bouche de Paul : « ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ».

Frères et sœurs, ce n’est pas notre fragile puissance qui nous rapprochera de Dieu et nous permettra de devenir Dieu, mais bien son amour manifesté en Jésus et répandu dans nos cœurs. Accueillons-le dans notre célébration.

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