Tous tes mots dans ma tête

Samy, le fils polyhandicapé d’Eglantine Eméyé, et dont parle ce billet, a rejoint le ciel hier 20 février à l’âge de 17 ans. Très attristé par cette nouvelle, et en mémoire de lui et de ce livre magnifique qu’a écrit sa mère en son nom, je poste à nouveau ce billet écrit en juin 2022.

Dans la tête de deux jeunes

Le nom d’Eglantine Eméyé, journaliste, est sans doute connu de nombreux lecteurs, mais sait-on qu’elle est aussi l’auteur de deux ouvrages dont le dernier, Tous tes mots dans ma tête, se présente sous un genre particulier, disons le roman à dimension biographique ?

Le titre de ce billet est donc celui de ce deuxième écrit, très beau, très émouvant, et dont je voudrais dire quelques mots pour donner envie de le lire (Robert Laffont éd., J’ai lu, mars 2022). J’ai parlé de roman, dans la mesure où tout ce qui y est écrit est pour une part le fruit de l’imagination de l’auteur ; mais dimension biographique dans la mesure où Eglantine Eméyé s’appuie sur son expérience personnelle de maman.

En effet, elle est la maman de Marco et surtout de Samy, 12 ans, autiste, accueilli dans une résidence spécialisée. Mais en outre, avec son mari Richard, elle a accueilli quelque temps en famille Mohammed, réfugié irakien, 37 ans. Samy, du fait de son handicap, ne parle pas sinon par des monosyllabes ou des gestes, et Mohammed ne connaît que l’arabe et, lui aussi, les gestes pour autant qu’il n’y ait pas de quiproquo.

Le livre est l’histoire de leur rencontre, ou plutôt de leurs échanges, alors même qu’ils sont à des centaines de kilomètres l’un de l’autre et n’ont pas de langue commune. C’est presque un tête à tête, en tout cas un dialogue par lettres/transmissions de pensées, qui se déroule le soir, lorsque Mohammed a rejoint le lit qu’a occupé Samy alors qu’il était encore dans sa famille, un lit rempli de ses pensées.

Pleine d’amour pour Samy, Eglantine éprouve aussi une grande tendresse pour ce Mohammed, un peu perdu et touchant dans sa timidité et sa gaucherie. Les propos sont ceux qu’imagine Eglantine elle-même, qui s’est mise dans la tête de chacun, et qui retrouve à travers les difficultés de communication de Mohammed les difficultés de son fils Samy.

Ce dialogue, qui parle de la vie quotidienne de Samy ou de Mohammed, autant dire de tout et de rien, est une merveille de composition et d’intelligence, dans lequel apparaissent en pleine lumière toutes les attentions et les difficultés des deux handicaps évoqués, physique et mental pour l’un, linguistique pour l’autre. Si bien que ce tout et ce rien deviennent subtilement nôtres, que nous entrons dans la tête et la vie de chacun des deux enfants, avec beaucoup d’émotion.

Et nous quittons le livre, heureux d’avoir pu faire un bout de chemin avec Samy comme avec Mohammed et porteurs d’un œil neuf pour mieux connaître et accueillir une certaine diversité de handicaps.

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