Depuis la parution de la déclaration romaine Fiducia Supplicans, concernant les bénédictions à accorder aux couples « irréguliers », autrement dit homosexuels et divorcés remariés, la bataille médiatique fait rage. En essayant de suivre les débats en ligne, en particulier ceux générés par la publication dans la Revue Thomiste de deux articles écrits par des frères dominicains, quelques interrogations me sont venues relatives aux unions homosexuelles.
1. L’église catholique a longtemps assumé que le mariage « traditionnel », entre un homme et une femme donc, avait pour fonction première, sinon exclusive, la procréation. Et la relation sexuelle était considérée comme un simple moyen.
2. Depuis pas mal de temps, je ne saurais dire combien, il semble pourtant que la perspective ait changé : la relation sexuelle est désormais considérée comme essentielle pour le bien du couple, sans être ordonnée nécessairement à la procréation. Un changement qui me semble normal et heureux, en particulier pour les couples inféconds naturellement… ou même par choix.
3. Mais pourquoi ce retournement ne devrait-il pas toucher les unions homosexuelles ? La tradition de l’Eglise catholique les considère comme « intrinsèquement mauvaises ». En cause, en premier lieu sans doute, le rejet qu’inspire à la tradition biblique le risque d’indistinction, tel qu’il peut apparaître dans l’union de deux hommes ou de deux femmes. Et physiquement, cette union n’est-elle pas « contre nature » ? On peut aussi penser que les excès des mœurs païennes ne devaient pas inciter à la bienveillance.
Mais dans la tradition chrétienne postérieure, il me semble que cette qualification résulte largement de l’infécondité de telles unions. Laquelle est certes incontestable, mais la position de l’Eglise ne devrait-elle pas aujourd’hui tenir compte de plusieurs faits :
a) l’homosexualité est largement reconnue comme pouvant être native et non pas nécessairement le résultat d’un choix,
b) de nombreux homosexuels souhaitent vivre au cœur de l’Eglise sans être astreints à une continence que l’on n’exige pas des couples inféconds,
c) leur union peut être porteuse de biens réels pour eux et autour d’eux. En particulier dans l’exemple qui n’est pas rare de leur fidélité.
Les violentes critiques adressées à la déclaration Fiducia Supplicans, pour ce qui a trait de près ou de loin aux unions homosexuelles, et à leur dimension « intrinsèquement mauvaise », s’appuient régulièrement sur les paroles du Lévitique (18,22, qui parle « d’abomination ») ou de la lettre de saint Paul aux Romains (1,26-27, qui évoque une infamie).
Mais ne serait-il pas temps de replacer ces jugements dans leur contexte ? Comme le faisait remarquer en ligne, avec une ironie mordante, l’auditeur étasunien d’une radio :
« – Merci de mettre autant de ferveur à éduquer les gens à la Loi de Dieu. J’apprends beaucoup à l’écoute de votre programme et j’essaie d’en faire profiter tout le monde. Mais j’aurais besoin de conseils quant à d’autres lois bibliques.
– Par exemple, je souhaiterais vendre ma fille comme servante, tel que c’est indiqué dans le livre de l’Exode, chapitre 21, verset 7. A votre avis, quel serait le meilleur prix ?
– Le Lévitique aussi, chapitre 25, verset 44, enseigne que je peux posséder des esclaves, hommes ou femmes, à condition qu’ils soient achetés dans des nations voisines. Un ami affirme que ceci est applicable aux mexicains, mais pas aux canadiens. Pourriez-vous m’éclairer sur ce point ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas posséder des esclaves canadiens ?
– J’ai un voisin qui tient à travailler le samedi. L’Exode, Chapitre 35, verset 2, dit clairement qu’il doit être condamné à mort. Suis-je obligé de le tuer moi-même ? Pourriez-vous me soulager de cette question gênante d’une quelconque manière ? »
Dois-je l’avouer ? Je ne suis pas moi-même très à l’aise avec les couples homosexuels. Mais la gêne que je ressens est-elle naturelle et légitime, ou l’ai-je acquise par éducation au fil du temps ? Je pose une question dont je n’ai pas la réponse.