Frères et sœurs, permettez-moi d’en rester à la première lecture, du livre de Jérémie. En vous rappelant d’abord que si vous voulez en savoir plus sur les méfaits possibles d’une langue trop bien pendue ou trop bavarde, je vous invite à lire ou relire la lettre de Jacques.
Il y a pas mal d’années, alors que je vivais à Jérusalem, je lisais dans un journal local les propos d’un journaliste réputé, Gideon Lévy. Celui-ci avait publié un remarquable article intitulé « le blanchiment des mots ». C’était une réflexion novatrice, à une époque où l’on ne parlait pas encore d’infox, sur la manière de changer la perception d’une réalité en lui donnant un autre nom. Et cela va bien sûr au-delà du fait de changer l’appellation « coiffeur » en « capilliculteur » mais permet par exemple de transformer une « invasion » en « opération spéciale de police ».
À l’époque de Jérémie déjà, nous avons une illustration du pouvoir de la langue. Les adversaires de Jérémie choisissent de « l’attaquer par leur langue », autrement dit par les mots qu’elle utilise : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ». Jérémie qui prend l’affaire très au sérieux ne trouve d’autre parade que se tourner vers Dieu. Le prophète confesse : « ils ont creusé une fosse pour me perdre ». Une fosse destinée à la mort, Jérémie n’exagère-t-il pas un peu ?
Je n’en crois rien, surtout à notre époque où la bataille des mots fait rage, en public ou plus encore en ligne avec les fameuses « infox ». Avec des mots, dont certains viennent des proches comme le fait remarquer Jérémie, on falsifie un événement, on détruit une réputation, et parfois on conduit au suicide ! Les exemples abondent et je vous laisse en choisir un autour de vous.
Alors frères et sœurs, pour être au service les uns des autres, et non pour les dominer comme nous y invite l’évangile de ce jour, sachons comme un effort éventuel de carême maîtriser notre langue et le pouvoir des mots justes. Non pas des mots mièvres, mais bienveillants et justes. Notre entourage y gagnera et nous aussi.
Prédication donnée au couvent de Montpellier le 28 février 2024. Textes : Jérémie 18,18-20 et Matthieu 20,17-28.