Frères et sœurs, peut-être l’avez-vous remarqué, à deux reprises dans sa lettre aux Éphésiens, l’apôtre Paul affirme : « c’est par grâce que vous êtes sauvés ». Mais de quoi cet amour gratuit de Dieu nous sauve-t-il et comment le fait-il ? Ces questions sont essentielles si l’on veut justifier l’appellation « Jésus sauveur ».
À la première question, la réponse chrétienne est connue : Dieu nous sauve du péché dont l’homme est captif. C’est vrai, bien sûr, mais le péché n’est pas une réalité qui a pignon sur rue : en dehors du monde chrétien, qui parle du péché ? Je crois que nos contemporains comprendraient mieux qu’on leur dise : il nous sauve de notre errance, du non-sens de nos vies. Combien de fois l’avez-vous entendu cette phrase : « ma vie n’a pas ou n’a plus de sens » ?
Une phrase qui peut s’entendre de deux manières : j’ai perdu la signification immédiate, le goût de ce que je fais. Je pense à des amis, comme vous devez tous en avoir qui, à 40 ans, alors qu’ils avaient des professions reconnues et rémunératrices, se sont reconvertis dans la boulangerie pour trouver du sens à une vie qui n’en avait plus. Au prix pour le mari d’un réveil six jours sur sept à 4h du matin ! Mais le sens peut aussi désigner autre chose : je ne sais plus quel but donner à ma vie. Je me tourne et me retourne en tous sens, sans savoir où aller et quel chemin prendre. Malgré tous les efforts des politiques, des responsables de l’Église, de mes amis, pour donner du sens à mon action.
Frères et sœurs, s’il y a donc une chose dont nous attendons d’être sauvés, c’est l’effacement du sens. Ce que nous propose l’évangile d’aujourd’hui, comme d’ailleurs l’évangile en général, c’est de retrouver du sens en s’attachant aux pas de Jésus. J’imagine d’ailleurs que les apôtres étaient déjà eux-mêmes confrontés à ces problèmes de sens, et qu’il faut voir là une des raisons pour laquelle les disciples d’hier, et ceux d’aujourd’hui qui demandent en nombre croissant le baptême, se sont levés pour suivre Jésus. Il est le chemin, la vérité et la vie : dans la foi, il nous donne le but, retourner au Paradis auprès du Dieu de la vie, et le moyen, par le chemin de vérité qu’ouvre sa parole.
Il est bien vrai que Jésus a des concurrents, des gourous, qui se proposent eux aussi de donner du sens à nos vies. Mais aucun d’entre eux n’est capable d’orienter fondamentalement vers Dieu, que Jésus appelle son père avec une autorité qui laisse pantois ses contemporains. Aucun non plus n’est capable de proposer un chemin qui mène à la vie éternelle, surtout lorsque celui-ci passe paradoxalement par la mort avant d’accéder à cette vie.
Alors, frères et sœurs, prenons-en mieux conscience au cours de ce Carême : avec Jésus, nous accueillons le retour du bon sens !
Textes : 2 Chroniques 36, 14-16.19-23 ; Éphésiens 2, 4-10 ; Jean 3, 14-21