Et la parole fait de la foule un peuple !

Mes sœurs, chers amis, sans doute le savez-vous, il n’est pas obligatoire que les lectures dominicales portent sur un même thème, à l’exception de la première et de l’évangile. Pourtant, aujourd’hui, je vois pointer un thème commun, celui du rassemblement. Le prophète Jérémie souligne la dispersion des brebis abandonnées par leurs pasteurs, saint Paul insiste sur la communion réalisée en Christ entre Juifs et Païens, et Marc note un mouvement de foule autour de Jésus et ses disciples, avec « des gens qui partent et d’autres qui arrivent ». Un peu comme nous-mêmes aujourd’hui.

Existe-t-il un modèle pour ces rassemblements ? Dans une thèse que j’avais accompagnée dans le passé, je me souviens que le thésard remarquait avec raison que le Nouveau Testament établissait une distinction entre « la foule » et « le peuple », deux mots différents en grec. Pour le dire simplement, la foule est bigarrée, le peuple est ordonné. Et les chrétiens sont invités à former un peuple non pas uniforme, mais uni. Mais à partir de quel critère ?

A la fin de notre évangile, un fait me frappe. Alors qu’il est question d’une foule que Jésus voit en débarquant et de manger, que ce doit donc être l’heure, Jésus ne multiplie pas les pains comme il l’a fait à d’autres occasions, mais il enseigne longuement. Au risque que les gens qui l’entourent aient l’estomac dans les talons ! Cette prééminence de l’enseignement divin ne serait-elle pas la clé de la différence entre une foule et un peuple ?

Certes, l’eucharistie, telle que nous la célébrons aujourd’hui, rassemble un peuple autour d’un repas, mais elle le fait après que l’évangile ait été proclamé, après qu’un enseignement ait été donné à son sujet. Je ne crois pas que ce soit un hasard : cet enseignement vise à créer un peuple à partir d’une foule que l’occasion rassemble.

Mes sœurs, chers amis, à une époque pas si lointaine, on assurait que l’on avait assisté à la messe dès lors qu’on était présent avant la consécration. La liturgie de la parole n’apparaissait pas essentielle. Il est possible que cela ait été dû en partie au fait que le prédicateur ennuyait les fidèles, ou encore à l’attachement né de l’adoration eucharistique : toutes choses qui n’existent pas chez nos frères protestants et explique à l’inverse le développement de la liturgie de la parole chez eux.

Mais il n’en reste pas moins qu’en voyant les foules sans berger, Jésus ne leur a pas donné à manger, mais les a « enseignés longuement » par sa parole. Sans doute devrions-nous en tirer à notre tour quelque enseignement sur l’importance de la liturgie de la parole dans nos célébrations eucharistiques.

Prédication donnée le 21 juillet chez les sœurs bénédictines de Valognes
Textes : Jérémie 23, 1-6 ; Ephésiens 2, 13-18 ; Marc 6;30-34

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