A propos de Jos 24, 1-2a.15-17.18b et Jn 6,60-69
Frères et sœurs, si nous sommes là, réunis aujourd’hui pour cette célébration dominicale, c’est bien sûr parce qu’à l’exemple du peuple juif rassemblé autour de Josué, « nous voulons servir le Seigneur parce qu’il est notre Dieu ». Mais je crains que, à l’exemple toujours du même peuple, notre résolution ne soit trop faible pour tenir notre promesse.
Qu’est-ce donc qui nous retient ? Les disciples de Jésus, qui lui ont fait aussi la promesse de le suivre jusqu’au bout, se sont presque tous dispersés au moment de la Passion : serait-ce donc la peur qui nous retient comme elle les a retenus ? Peut-être mais, qu’à Dieu ne plaise, avouons que nous ne sommes pas vraiment confrontés à un climat de haine et de guerre contre les chrétiens, juste une mise à l’écart et un désintérêt.
Que dit Simon-Pierre à Jésus pour justifier un peu prématurément son engagement ? « Tu as les paroles de la vie éternelle ». Et je pense que le problème principal se trouve là : non pas que les paroles de Pierre soient fausses, au contraire, mais elles ne sont encore que paroles et n’ont pas engagé profondément sa vie. Cela se ne fera qu’après la Passion, sous la pression, si je peux dire, de l’Esprit-Saint.
Pour lui à l’époque, pour nous aujourd’hui encore, la vie éternelle est trop souvent perçue comme une réalité lointaine. Et à l’inverse, pour ceux qui doivent témoigner de leur foi dans les conditions les plus difficiles, elle est très proche et justifie leur engagement et leur fidélité. En vérité, la vie éternelle est déjà commencée, comme le dira tout à l’heure la préface n°6 des dimanches.

Mais la mort, me direz-vous ? Ne marque-t-elle pas deux vies très différentes, un saut considérable ? Bien sûr, je sais la douleur souvent extrême de la séparation, mais je crois que « nous n’avons qu’une seule vie », la vie éternelle, et les saints nous le montrent tous : s’ils sont saints, c’est pour avoir vécu sur terre de la vie du ciel, pleinement attachés à Dieu et à leurs frères. Et actifs à la mesure de cette présence divine dans leurs vies par la grâce de l’Esprit.
Tous mes amis le savent : j’ai été bouleversé il y a près de cinq ans par la rencontre chez lui d’un petit garçon, Gaspard, qui, atteint d’une maladie dégénérative, n’a vécu que quarante mois sur terre. A la grande douleur, tout à fait compréhensible de ses parents, de son frère et de ses deux sœurs. Jusqu’à ce que tous réalisent que sa vie commencée sur terre se prolongeait au ciel, sans rupture ; à l’inverse, sa vie sur terre fut déjà vie éternelle. Ce que Louise, la plus jeune de ses deux sœurs, huit ans à l’époque, résumait ainsi : « Gaspard, sur la terre, il ne nous voit pas mais nous, on le voit et on veille sur lui. Eh ! bien, quand il sera au ciel, ce sera l’inverse : nous, on ne le verra plus, mais lui nous verra et ce sera alors lui qui veillera sur nous… »