Quels documents, me direz-vous ? Aucun en particulier. Disons par exemple celui appelé « la loi immigration » ou, dans un tout autre genre, celui sur la bénédiction des couples en situation irrégulière ou de même sexe diffusé par le Vatican sous le nom de Fiducia Supplicans. L’un et l’autre ont déclenché des réactions diverses, mais le plus souvent négatives et parfois violentes. En particulier dans les « courriers des lecteurs ».
Ces lecteurs sont si nombreux qu’une question me taraude : ont-ils tous parcouru avec attention les documents en question, ou sont-ils les lecteurs d’une lecture faite par d’autres, par exemple les journalistes ? Des lectures auxquelles les prétendus « lecteurs » s’arriment avec d’autant plus d’acharnement qu’ils n’ont qu’une connaissance superficielle des textes discutés, et ne peuvent s’appuyer que sur la présentation qui leur en a été faite.
Il est certain que la lecture a perdu de son importance depuis des dizaines d’années, au moins en France, mais dans bien d’autres pays aussi sans doute. La surabondance d’informations qui nous parviennent chaque jour, que nos amis canadiens appellent infobésité, y est sans doute pour beaucoup. Mais aussi les modalités d’accès à ces informations. Le recours compulsif au smartphone et son pianotage, avec son corolaire que l’on a baptisé « zapping », tiennent lieu d’informations et de réflexions. Le relais des dépêches AFP serait suffisant à informer. Dans le courrier des lecteurs, l’émotion, et la simplification outrancière qui va souvent avec, prennent peu à peu toute la place, aux dépens d’une vraie connaissance argumentée.
A ce compte, peu importe d’avoir lu ou non les documents que l’on évoque, il y a toujours quelque chose à en dire du point de vue émotionnel. Pour prendre l’exemple de la loi immigration et pour faire très court, « cessons de nous en prendre aux étrangers » d’un côté, « l’immigration est devenue incontrôlable et doit cesser » d’un autre côté.
Me voilà donc souvent à la recherche de vraies occasions de débat en ligne. Plusieurs personnes que « je suis » s’efforcent d’en proposer, et je les en remercie : Erwan Le Morhedec sur la question de la fin de vie, Henrik Lindell sur des questions politiques, André Markowicz à propos des conflits Ukraine/Russie ou Israël/Hamas, et quelques autres. Mais ils ne sont pas légions, et les réactions des lecteurs sont souvent bien loin d’être à la hauteur de ce qui est proposé.
Pour ma part, j’ai créé il y a quelques années un groupe Facebook, « A l’aube d’un jour sans fin« , que j’imaginais comme un lieu de rencontre et de débat sur quelques lectures bibliques. Peine perdue, même si le groupe existe toujours : il est devenu un espace de proposition pour quelques réflexions personnelles, ne suscitant que très peu de réactions. Je me suis fait une raison : il s’agit là d’une modalité décidément plus adaptée à Internet.
Pour un débat argumenté sur des documents que chacun des participants aurait lus, il faut chercher ailleurs. Mais, en ligne, je n’ai pas encore vraiment trouvé où !