Choisir entre deux visions de l’homme

Introduction

Le texte proposé ci-dessous, est celui d’une conférence chez les sœurs dominicaines de St Pierre Quiberon le 22 août 2024, présente avec quelque avance les éléments d’un livre à paraître aux Editions du Cerf en février 2025. Le titre provisoire en est : « Choisir. Deux visions de l’homme face à face ». Il s’agit donc d’évoquer deux visions anthropologiques, dont j’ai déjà traité mais reprend plus en détail :  l’une que j’appelle l’anthropologie technologique, qui tend à s’imposer en Occident, et l’autre que j’appelle anthropologie biblico-chrétienne, et qui s’est transmise depuis les origines chrétiennes.

Dans un livre qui m’est tombé ces jours-ci dans les mains, « La fin de la chrétienté », Chantal Delsol, philosophe, publiant souvent dans La Croix, évoque ce qu’elle appelle « l’inversion normative ». Elle la dit ancienne, remontant en amont jusqu’à la révolution française, mais déployant tous ses effets depuis une cinquantaine d’années en Occident. Elle la décrit ainsi :

« Dans le monde de nos pères, la colonisation était généreuse et admirable, la torture et la guerre des pis-aller ; aujourd’hui, la colonisation et la torture sont des gestes sataniques, et très largement la guerre aussi. L’homosexualité était bannie et méprisée, elle est aujourd’hui non seulement justifiée mais vantée. L’avortement, auparavant criminalisée, se voit légitimé et conseillé. La pédophilie, considérée auparavant comme un pis-aller qu’on supportait pour la sauvegarde des familles et des institutions, est aujourd’hui criminalisée. Le divorce, il y a peu impossible puis difficile, ne rencontre plus aucun obstacle. Le suicide était réprouvé (on n’offrait pas aux suicidés de funérailles religieuses), il est considéré comme un possible bienfait, et les lois peuvent dans certains pays aider à sa réalisation » (p. 53-54)

Il se trouve que le temps évoqué pour la manifestation évidente de cette inversion coïncide avec une autre période, mise en lumière par un autre philosophe, sociologue et exégète par ailleurs, Jacques Ellul. Le premier de ses écrits, paru en 1954, avait pour titre « La technique ou l’enjeu du siècle ». Deux autres livres paraîtront ensuite sur le même sujet : Le Système technicien, en 1977 et Le bluff technologique, en 1988.Voici comment Wikipedia présente la thématique de l’ouvrage de 1954 : « d’outil permettant à l’homme de se dépasser, la technique est devenue un processus autonome auquel l’homme est assujetti. »

Dans la réédition 2008 de l’ouvrage de 1954, Ellul fait intervenir la dimension du sacré :

« L’invasion technique désacralise le monde dans lequel l’homme est appelé à vivre. (…) Mais nous assistons à un étrange renversement : l’homme ne pouvant vivre sans sacré, il reporte son sens du sacré sur cela même qui a détruit tout ce qui en était l’objet : sur la technique. »

Je ne crois pas qu’il s’agisse là d’une pure coïncidence. A mes yeux, la disparition de la chrétienté, mais pas du christianisme comme le rappelle Chantal Delsol, ou encore dit du cultuel au profit du culturel, s’exprime particulièrement dans la venue au premier plan de la technique, et en particulier du chiffre avec l’illusion du progrès. C’est pourquoi, après vous avoir présenté un aperçu sur cette omniprésence de la technique avec son fondement essentiel, le nombre (cf. le numérique), j’en donnerai une illustration sur sa manifestation dans un domaine particulier, la vie ; et enfin, j’évoquerai cet homme nouveau dont parle la foi chrétienne, qui se situe au cœur de l’anthropologie chrétienne, et qui n’a pas grand-chose à voir avec celui que présente la société technique moderne.

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